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EUTHANASIE
dix arguments et dix contre-arguments

mise en ligne le 16  octobre 2001

mise à jour de forme le 21 juillet 2017


En 2001, un étudiant de Saint-Malo me demanda d'écrire 10 arguments et 10 contre-arguments relatifs à l'euthanasie. Je me suis essayé à ce périlleux exercice. Ils sont présentés ci-dessous, un par un, le contre-argument suivant l'argument.


1. La compassion devrait amener les médecins à pratiquer des euthanasies. Après tout, on achève bien les chevaux. C'est un geste humanitaire et bienveillant de solidarité envers ceux qui souffrent d'une manière insupportable et qui ont perdu leur dignité.


1. L'homme n'est pas un animal comme les autres. Sa vie doit toujours être respectée. Cette loi et cet interdit fondent toute civilisation. Il s'agit d'un des dix commandements de la religion judéo-chrétienne : ils ont influencé notre culture dans le sens du respect d'autrui. La dignité se mesure dans le regard de l'observateur et non de manière absolue. Si vous avez décidé que je suis indigne, vous avez préalablement et arbitrairement défini la dignité.

2. L'euthanasie est pratiquée dans d'autres pays : Hollande, Oregon dans des conditions précises. Pourquoi pas en France ?

2. D'autres pays ont connu des expériences que nous ne voulons pas partager, telles que l'application maintenue de la peine de mort. Les dérives peuvent être monstrueuses. L'Allemagne nazie nous en a fourni un exemple ineffaçable.

3. La différence entre soins palliatifs et euthanasie est parfois mince : les deux situations peuvent conduire à endormir le patient. Le tout est une question de rapidité de survenue du décès.

3. La différence fondamentale entre euthanasie et soins palliatifs est dans l'intention. Dans les soins palliatifs, l'intention de donner la mort n'est jamais présente. L'euthanasie procède toujours de cette volonté.

4. La liberté de l'individu de disposer de lui-même est sacrée. Le corps et la mort ne devraient plus appartenir à d'autres, par exemple à l'Etat ou à l'Eglise, mais revenir de plein droit à celui qui l'habite. Son destin doit donc être maîtrisé par la personne concernée elle-même.

4. La liberté de l'individu connaît des limites. Une d'elles est de ne pas violer la conscience d'autrui. Le médecin est le gardien de la vie et le protecteur de son malade. L'obliger à le tuer est à l'opposé de sa mission. Des médecins et infirmiers nazis nous ont fourni l'exemple de la fragilité des soignants face à la folie meurtrière collective contre des innocents. Ceci ne se renouvellera jamais.

5. La lutte contre la souffrance de l'individu est un noble objectif qui doit utiliser tous les moyens disponibles, y compris des moyens extrêmes. En mourant, je supprime ma souffrance.

5. La fin ne justifie jamais les moyens. Supprimer le malade pour abolir sa souffrance est un acte de lâcheté, ou au moins d'impuissance, voire d'incompétence.

6. La souffrance des proches est soulagée par la délivrance de la souffrance de voir son parent ou son ami souffrir. C'est un geste qui vise aussi à libérer les proches.

6. La culpabilité des proches est aggravée par leur implication dans la fin de l'être aimé. Ce n'est pas une libération, mais une tache indélébile génératrice de souffrance au long cours.

7. Les suicides sont nombreux en France. Ils concernent surtout des adultes jeunes et des personnes âgées. Le fait de ne plus pouvoir se suicider soi-même devrait amener le médecin à aider son malade dans le sens du respect de sa volonté. En effet, le médecin est le seul à disposer de moyens doux pour atteindre ce but.

7. Le suicide ne peut pas être le but recherché par le médecin. Les moyens de se tuer sont toujours disponibles, même en l'absence du médecin.

8. Quand on se sent vieux, inutile, quand on est devenu une charge pour la société et pour les siens, bien des sociétés ont admis que le vieillard veuille mourir. Après tout, bien des personnes âgées se suicident discrètement en s'abandonnant au "syndrome de glissement", surtout en refusant de s'alimenter.

8. Ce n'est pas parce que je suis seul à avoir raison que j'ai tort. Je ne suis pas obligé d'écouter ceux qui me demandent de m'effacer discrètement. L'honneur d'une société humaine se mesure à son attitude envers les plus faibles.

9. Ce qui est vrai pour l'un ne l'est pas pour l'autre. Arrêtez d'interpréter mon désir de mort comme un appel à l'aide et écoutez moi au premier degré en facilitant mon suicide ou en m'euthanasiant.

9. Ce n'est pas parce que vous êtes malade que vous avez tous les droits, en particulier sur mes actes professionnels. Je suis aussi un homme responsable. J'ai le droit de ne pas être d'accord avec vous, même si je respecte votre opinion.

10. Il existe tant de malheurs sur terre que je ne suis pas déçu de quitter cette vallée de larmes. Après tout, je ne suis pas venu au monde par ma volonté. Que l'on accepte au moins que je le quitte de mon propre chef avec l'aide des hommes, faute d'avoir l'aide de Dieu.

10. Nous faisons partie du monde des hommes. Nous ne pouvons pas nous comporter comme des électrons libres. Nous sommes dépendants des autres. Acceptons-le.

 


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