mise en ligne le 30 septembre 2001


 

FACULTES DE MEDECINE

Université Montpellier I - Université de Paul Sabatier Toulouse III - Université Bordeaux II

 

D.I.U. de Tabacologie et d'Hygiène Respiratoire

MEMOIRE

 

Enquête au Centre Hospitalier d'Albi

Deuxième édition

Année Universitaire 2000-2001

Juliette Gontier

Infirmière

Consultations Externes de Chirurgie et de Médecine du Travail.

Centre Hospitalier Général d'Albi.

 


 

à tous ceux qui ont répondu à ce questionnaire

à tous ceux qui ont bien voulu m'aider dans ce travail

à ma famille

à mes collègues


Plan de l'exposé

Résumé

Introduction

Objectifs

Méthode

Résultats

I. Présentation des réponses de toutes les personnes interrogées

A. Taux de réponses.

B. Catégories professionnelles

C. Nombre des femmes et des hommes et attitude vis à vis du tabac

D. Connaissance de la législation

E. Information et prévention

II. Etude de la population des fumeurs et ex-fumeurs hommes et femmes : 53 personnes

A. Population totale

B. Etude de la population des femmes fumeuses et ex-fumeuses : 40 personnes.

C. Etude de la population des hommes fumeurs et ex-fumeurs : 13

D. Etude de la population des ex-fumeurs seuls

III. Présentation des réponses des fumeurs, hommes et femmes.

A. Données générales

B. Le type de tabac.

C. Connaissent-ils les taux de nicotine et de goudron ?

D. Tentatives pour s'arrêter de fumer ?

E. Quelles perspectives pour le sevrage ?

F. Données respectives concernant les femmes et les hommes qui fument

IV. Présentation des réponses des non fumeurs : 56 personnes.

Discussion

Conclusion

Bibliographie

Annexes


Résumé

Un questionnaire a été diffusé en mars 2001 auprès de toutes les personnes travaillant pendant la nuit au Centre Hospitalier d'Albi. Leurs activités concernent essentiellement les soins qui occupent neuf employés sur dix. Quatre personnes sur cinq sont des femmes.

Le taux de réponses à cette enquête, proche de 90%, est très élevé. Il montre un intérêt évident pour ce problème de santé publique. Ainsi, 109 personnes ont participé à cette initiative.

Une femme sur quatre est fumeuse, alors que cette proportion est proche de la moitié chez les hommes. Un tel nombre de fumeurs pourrait être encore trop élevé pour envisager un respect immédiat de la réglementation dans ce domaine. Le nombre déclaré de cigarettes consommées à l'âge de 19 ans, voisin de 16 unités en moyenne, semble supérieur aux données nationales. Chez les femmes, la consommation ne varie pas clairement selon la période, qu'elles soient en repos ou bien au travail professionnel. En effet, trois tiers sensiblement égaux peuvent être distingués : un tiers fume moins en repos, un autre autant. Enfin, le dernier tiers fume davantage.

Par ailleurs, le fait que la somnolence soit maximale entre 3 heures et 5 heures du matin pourrait expliquer l'augmentation de la consommation autour de cette tranche horaire. Quant à elles, les situations de stress seraient les plus inductrices de consommation tabagagique. Toutefois, quel que soit le sexe, ce facteur ne semble pas l'apanage de la seule vie professionnelle.

Pour le sevrage, les substituts nicotiniques ont eu la préférence des ex-fumeurs par rapport aux autres méthodes. Les fumeurs actuels ont, presque toujours, essayé au moins une fois de se passer du tabac. Lorsqu'ils ont tenté un arrêt, ils ont fait davantage confiance à leur seule volonté. La plupart d'entre eux gardent encore espoir.

Les troubles ressentis à l'arrêt du tabac sont presque constants. Pulsion, agitation et irritation apparaissent comme les plus préoccupants. La prise de poids, de l'ordre de six kilogrammes, ne motive pas souvent une demande d'aide diététique puisque seulement une personne sur trois a eu recours à cette prestation.

Pourtant, une aide thérapeutique et un soutien sont nettement souhaités : une réunion mensuelle est plébiscitée d'abord pour l'aide au sevrage, ainsi que pour la rencontre, l'information ou l'émulation.

La loi Evin est peu connue puisque concernant moins de la moitié des réponses. L'idée qu'elle serait respectée est étrangère à mes interlocuteurs.

La Charte "Hôpital Sans Tabac" est encore plus confidentielle, inconnue des trois quarts. La proposition de création d'un local pour fumeurs ne recueille qu'une faible approbation, celle d'un sur dix. Ils sont aussi peu nombreux à connaître la disponibilité des informations sur le tabac. La consultation de tabacologie du Centre Hospitalier d'Albi est un peu moins méconnue.

En conclusion, le tabagisme demeure un problème bien présent, y compris sur un lieu de travail qui pourrait être le premier à donner l'exemple. Pourtant, les perspectives d'amélioration de cette situation sont d'autant plus encourageantes qu'elles sont peu connues. Peut-on espérer une diminution du nombre des fumeurs pour atteindre un éventuel seuil critique ? A quand l'hôpital sans tabac, libéré d'une servitude dont la toxicité n'est plus à démontrer ?


Introduction

Ce travail s'inscrit dans le cadre du réseau ville/hôpital dénommé "Tabac ou Santé".

Le service de Médecine du Travail du Centre Hospitalier d'Albi se mobilise pour appliquer et développer la prévention tabagique. Je me suis proposée d'interroger les personnels soignants de nuit afin de mieux connaître leurs habitudes dans le domaine de la consommation de tabac, de les sensibiliser et de leur permettre de participer aux actions préventives. Ont été concernés 122 agents.

Objectifs

Apprécier le tabagisme nocturne des personnels hospitaliers qui sont en première ligne pour le respect et l'exemple qui sont dus au malade. Dans leur cadre professionnel, je souhaitais les solliciter, pour la première fois, sur un des défis majeurs de la prévention dans le domaine de la santé. J'ai ainsi eu l'opportunité de parler du tabac avec le personnel soignant de nuit. Enfin, je souhaitais obtenir des propositions émanant des personnes concernées par le tabagisme actif ou passif.

Méthode

Une enquête a été réalisée, auprès des 122 agents travaillant pendant la nuit au Centre Hospitalier Général d'Albi.

Un questionnaire a été diffusé le premier mars 2001. Son contenu (en annexe) s'est inspiré du formulaire élaboré par le comité français d'éducation pour la santé (CFES) pour les consultations de tabacologie.

Les trois cadres infirmiers de nuit ont encouragé cette initiative, par exemple en m'accompagnant dans les divers services. Une information préalable a été communiquée par le biais du panneau d'affichage. La remise individuelle du questionnaire, de la main à la main, m'a permis de rencontrer la plupart des agents sollicités dans le cadre même de leur travail. Le formulaire était contenu dans une enveloppe destinée à chaque agent.

Un compte-rendu résumé des résultats pertinents était promis à tous les destinataires, qu'ils aient ou non répondu. L'anonymat était obligatoire. L'enveloppe, libellée à mon nom, renfermait la réponse sous pli toujours cacheté.

Le retour des informations s'est effectué par deux voies : à l'aide d'une urne disposée dans le bureau commun des cadres infirmiers de nuit, ainsi que par le courrier interne du Centre Hospitalier où je suis salariée. Un délai de rigueur d'un mois avait été fixé. Pourtant, je pus récupérer l'ensemble des réponses au bout de quinze jours.

Une fois recueillies, les données ont été exploitées à l'aide d'outils informatiques : la base de données File Maker Pro (version MacIntosh) pour le recueil des données, le logiciel Word 97 sur PC pour le traitement de texte, le logiciel AppleWorks 5 pour les graphiques situés dans le texte, le logiciel Excel pour les graphiques en annexes.

Résultats

I. Présentation des réponses de toutes les personnes interrogées

A. Taux de réponses.

Sur 122 questionnaires envoyés :

Graphique 1

B. Catégories professionnelles.

Parmi les 109 personnes qui ont répondu :

- 100 font partie du personnel soignant,

- 4 travaillent au standard téléphonique,

- 2 font partie du personnel service intérieur,

- 1 fait partie du personnel médico-technique.

Ainsi, cette population est soignante à 91,74 %.

C. Nombre des femmes et des hommes et attitude vis à vis du tabac parmi les personnes ayant répondu au questionnaire :

Tableau I

 22 fument

47 ne fument pas

18 ont fumé, mais ne fument plus

 10 fument

9 ne fument pas

3 ont fumé, mais ne fument plus

Graphique 2

D. Connaissance de la législation

49 ont répondu positivement, soit 44,95 %.

Seulement une personne a répondu oui.

30 ont répondu oui, soit 27,52%.

10 ont répondu oui, soit 9,17%.

E. Information et prévention

- Savez-vous que des informations sur le tabac sont à votre disposition et qu'une infirmière est là pour vous accueillir ?

9 ont répondu oui, soit 8,25%.

- Savez vous qu'il y a une consultation de tabacologie au Centre Hospitalier ?

39 ont répondu oui, soit 35,77%.

II. Etude de la population des fumeurs et ex-fumeurs hommes et femmes : 53 personnes

A. Population totale

1) Caractéristiques

Moyenne d'âge : 43 ans,

Age moyen de la première cigarette : 16,57 ans,

Age moyen du début de la consommation régulière : 19,01 ans,

Moyenne quotidienne des cigarettes fumées : 15,7 cigarettes,

Moyenne quotidienne des cigarettes fumées au travail : 13 cigarettes,

Moyenne quotidienne des cigarettes fumées en dehors des horaires de travail : 11,4 cigarettes.

2) Quelles marques consomment-ils ?

Peter Stuyvesant : 5

Royale : 4

Rothman : 1

Marlboro : 5

Gauloises : 20

Gitanes : 1

Philip Morris : 3

Camel : 1

Autres : 13

3) Pourquoi ?

A la question : "Pourquoi fumez-vous ?", les fumeurs et ex-fumeurs ont répondu de la manière suivante (tableau II).

Par commodité d'exploitation des données, il a été procédé aux regroupements suivants :

0 : jamais

1 à 5 : parfois

6 à 8 : souvent

9 à 10 : toujours

Tableau II

 

jamais

parfois

souvent

toujours

c'est un geste automatique

8

6

11

12

pour le plaisir

1

7

19

15

par convivialité

7

9

15

8

pour combattre le stress

3

5

19

15

pour se concentrer

17

10

7

4

pour soutenir le moral

11

8

13

7

pour ne pas grossir

27

4

8

0

pour rester éveillé

21

7

6

3

 

Graphique 3

B. Etude de la population des femmes fumeuses et ex-fumeuses :

40 personnes.

L'âge moyen de leur première cigarette est de 16,41 ans.

Elles ont commencé à fumer quotidiennement à 18,97 ans.

La moyenne des cigarettes fumées quotidiennement est de 15 unités.

1) Y a-t-il une heure pour le besoin absolu de fumer ?

Pour 18 femmes sur 40, il y a une heure privilégiée.

Pour 17 femmes sur 40, il n'y a pas d'heure.

Enfin, 5 femmes ne donnent pas de réponse.

Graphique 4

2) A quelle heure ?

Au début de la nuit à 21 heures, soit en début de travail : 5 femmes.

Au milieu de nuit : de 24 heures à 4 heures du matin : 13 femmes.

A la fin de nuit 6 heures : 3 femmes.

Graphique 5

3) Besoin de fumer dans certaines situations ?

Pour 25 femmes sur 40, il y a un besoin.

Pour 7 femmes, il n'y a pas de situation.

8 femmes ne donnent pas de réponse.

Graphique 6

Dans quelle situation ?

- le stress : 17

- avec une tasse de café : 2

- après un repas : 6

- avec le chocolat : 1

- fatigue : 1

- au contact d'un fumeur : 4

- plaisir, calme, vacances : 2

Graphique 7

4) Comparaison de la consommation entre la nuit au travail et le jour au repos.

Sur la population des femmes fumeuses ou ex-fumeuses (40)

- 10 fument plus au repos,

- 10 fument autant au repos qu'au travail,

- 11 fument moins au repos,

- 9 ex-fumeuses n'ont pas répondu à cette rubrique.

C. Etude de la population des hommes fumeurs et ex-fumeurs : 13.

Age de la première cigarette à 17 ans

Ils ont commencé à fumer quotidiennement à 19 ans

Moyenne des cigarettes fumées quotidiennement : 18 cigarettes

1) Y a-t-il une heure ?

3 hommes sur 13 ont répondu à la question, 10 ne se sont pas sentis concernés.

L'heure de ces 3 réponses correspond au milieu de nuit (3 heures, 24 heures et 2 heures)

2) Dans quelle situation ?

- le stress : 5

- un repas : 4

- au contact d'un fumeur : 1

- à l'occasion d'un café : 1

D. Etude de la population des ex-fumeurs seuls.

1) Ils sont représentés par 21 personnes dont :

- 3 hommes qui :

- 18 femmes qui :

2) Les moyens utilisés pour l'arrêt ont été :

Tableau III

Moyens utilisés

Nombre de personnes

Seule volonté

 

9

Autres : substituts nicotiniques, consultations de tabacologie et acupuncture

12

III. Présentation des réponses des fumeurs, hommes et femmes.

A. Données générales

Nombre : 32 personnes

Moyenne d'âge : 42 ans.

Age moyen de la première cigarette : 15,5 ans.

Age moyen de début de la consommation quotidienne : 18,8 ans.

Moyenne du nombre de cigarettes fumées chaque jour : 14,7 cigarettes.

Sont fumées au travail en moyenne : 12,3 cigarettes quotidiennes.

Sont fumées au repos en moyenne : 11,1 cigarettes quotidiennes.

Le budget total annuel moyen consacré au tabac est de 4600 francs, soit environ 700 Euros.

B. Le type de tabac.

Tous fument des cigarettes du commerce prêtes à la consommation.

Pour quelques personnes, d'autres formes sont utilisées en supplément :

-les cigares : 2 personnes en fument 1 ou 2 par jour,

-les cigarettes roulées : 1 personne en fume 5,

-les pipes : 1 personne en fume 1 par jour,

On ne relève aucune consommation de cigarillo.

C. Connaissent-ils les taux de nicotine et de goudron ?

Parmi les 32 réponses, 24 personnes, soit 75 %, ont noté les taux exacts de nicotine et de goudron des cigarettes qu'ils fument.

D. Tentatives pour s'arrêter de fumer ?

1) Combien ont essayé ?

- 28 personnes sur 32 ont entrepris d'arrêter de fumer soit 87,5%,

- 4 n'ont pas fait de tentative d'arrêt.

2) Combien de tentatives ?

- 2,5 fois en moyenne.

3) Durée moyenne de l'arrêt :

- pour les femmes : 639 jours,

- pour les hommes : 268 jours.

4) Lors d'une grossesse :

- sur 22 femmes, 18 ont arrêté, 3 n'ont pas interrompu leur consommation, une n'a pas répondu.

- sur 10 hommes, un seul a arrêté de fumer pendant la grossesse de sa femme. Les autres n'ont pas répondu.

5) Quels ont été les moyens utilisés par les 28 personnes qui ont essayé de s'arrêter de fumer ?

Tableau IV

Moyens utilisés

Nombre de personnes

la seule volonté

 

26 personnes

un substitut nicotinique

5 personnes

une consultation de tabacologie

1 personne

un plan de 5 jours

1 personne

un plan oxygène

1 personne

l'acupuncture et un guérisseur

1 personne

 

6) Troubles ressentis à l'arrêt du tabac et raisons de l'échec.

a) Réponses à la question posée

Tableau V

 

1er

2ème

3ème

4ème

5ème

6ème

7ème

Total

Aucun trouble

 

4

0

0

0

0

0

0

4

Pulsion

8

5

2

2

0

0

0

17

Irritation

7

5

3

1

0

0

0

16

Agitation

6

6

4

1

0

0

0

17

Anxiété

3

1

4

2

0

0

0

10

Difficulté de concentration

0

0

0

1

2

0

0

3

Troubles du sommeil

1

1

1

0

0

2

0

5

Augmentation de l'appétit

2

2

1

2

0

1

0

10

Deux personnes signalent d'autres troubles tels que fatigue et douleurs abdominales.

b) Soulignons l'importance accordée à la prise de poids : 6,6 kilogrammes supplémentaires sont venus émailler le sevrage.

7) Est-il possible de s'arrêter facilement ?

Sur 27 personnes ayant répondu :

Sur une échelle numérique de 0 à 10 (de 0 : aucune chance de s'arrêter, à 10 : toutes les chances de s'arrêter définitivement),

- de 0 à 4 : 4 ayant toutes répondu 0.

- de 5 à 8 : 22

- de 9 à 10 : 1

Parmi les 32 fumeurs, s'ils devaient s'arrêter maintenant :

- 4 soit 12,5 % ont répondu qu'ils n'avaient aucune chance de réussir,

- 22 soit 68,7 % gardent l'espoir,

- et un seul (3,12 %) est sûr de s'arrêter.

E. Quelles perspectives pour le sevrage ?

1) Confiance

Sur 32 fumeurs, 20 ont confiance en eux vis à vis d'un arrêt futur de la consommation tabagique.

2) Que représenterait une réunion mensuelle en groupe motivé au sevrage ?

Les fumeurs y voient d'abord une aide au sevrage, mais aussi un lieu de rencontre et d'information. L'effet d'émulation arrivant en dernier dans le classement et pour ce qui est de l'intérêt porté à l'effet de groupe.

Tableau VI. La réunion mensuelle.

 

une aide au sevrage

un lieu de rencontre

un lieu d'information

une émulation

Choix de réponse placé en premier

 

9

5

5

4

Choix de réponse placé en deuxième

3

5

6

2

Choix de réponse placé en troisième

3

2

5

3

Choix de réponse placé en quatrième

3

4

1

5

Totaux

18

16

17

14

3) Seulement 9 personnes attendent une aide diététique, soit 28,12 %.

F. Données respectives concernant les femmes et les hommes qui fument :

1) Présentation des réponses des femmes qui fument : 22 personnes

Moyenne d'âge : 41 ans

Moyenne du nombre des cigarettes fumées la nuit au travail : 10,4 cigarettes.

Moyenne du nombre des cigarettes fumées au repos en dehors des horaires de travail : 10,2 cigarettes.

2) Présentation des réponses des hommes qui fument : 10 personnes

Moyenne d'âge : 43 ans

Moyenne du nombre des cigarettes fumées la nuit au travail : 18,2 cigarettes.

Moyenne du nombre des cigarettes fumées au repos en dehors des horaires de travail : 14,1 cigarettes.

IV. Présentation des réponses des non fumeurs : 56 personnes.

La fumée les gêne-t-elles ? 42 ont répondu oui. Ainsi, trois non fumeurs sur quatre sont gênés par la fumée. Ils le disent dans plus de la moitié des cas : 34 osent le dire. Ils ont obtenu que le fumeur s'éloigne dans 16 cas. Pourtant, moins d'un fumeur sur trois va fumer plus loin.

Discussion

Notre échantillon est relativement petit par rapport à des études portant sur la totalité des personnels hospitaliers, telles que celle d'Olsen (Olsen et al. 2000), ou encore celle de Landeck (Landeck et al. 2000). Par ailleurs, nous n'avons procédé à aucune interprétation statistique permettant d'établir des corrélations, qu'elles soient significatives ou non.

Le travail nocturne concerne essentiellement les soins qui occupent neuf employés sur dix. Quatre personnes sur cinq sont des femmes. Le taux des réponses, proche de 90%, nous a paru plus élevé que celui qui était attendu. Il est supérieur à celui retrouvé par Olsen (id.), qui fait état d'une participation respective de 84%, 80% et 76% à trois questionnaires diffusés auprès de 4000 employés hospitaliers. Pour Landeck (id.), seulement 1187 personnes ont répondu sur les 4177 employés interrogés, soit 28,4%. Cette dernière donnée est comparable à celle de Varsano (Varsano et al.) qui fait état de 28% de réponses.

Quelles pourraient être les raisons de ce relatif "succès" ?

Le Centre Hospitalier d'Albi est une structure de taille limitée, située dans une ville de moyenne importance. Je suis infirmière depuis 1972, toujours dans le même hôpital. Je participe à la vie associative. La méthode utilisée, utilisant l'approche de proximité, a probablement favorisé la confiance des agents interrogés. Cette démarche leur est peut-être apparue comme une marque d'attention positive à leur égard.

Cette population est majoritairement composée de femmes, situation constante dans les hôpitaux. En effet, seulement une personne sur cinq est de sexe masculin dans notre échantillon. Le travail nocturne est avant tout orienté vers les soins qui occupent neuf employés sur dix pendant la nuit.

Une femme sur quatre est fumeuse, alors que cette proportion est proche de la moitié chez les hommes. La proportion des fumeurs est encore trop forte pour espérer un respect immédiat de la réglementation dans ce domaine. Tout au plus peut-on prévoir une diminution du nombre des fumeurs pour atteindre un éventuel seuil critique. Ces résultats sont à rapprocher de ceux de Zanetti (Zanetti et al. 1998) qui trouve 39% de fumeurs parmi les soignants d'une équipe hospitalière. Dans notre étude, la consommation ne semble pas varier selon le temps de travail ou de repos. Cette notion n'est pas partagée par Zanetti (id.), pour qui la majorité des fumeurs augmente la consommation pendant la nuit.

La loi Evin est relativement peu connue puisqu'ils sont moins de la moitié à l'évoquer. L'idée qu'elle serait respectée est étrangère à mes interlocuteurs. La Charte "Hôpital Sans Tabac" est encore plus confidentielle, inconnue des trois quarts.

La proposition de création d'un local pour fumeurs ne recueille qu'une faible approbation, celle d'une personne sur dix. Cette proportion peut être rapprochée des résultats publiés par Witta (Witta et al. 1993). Parmi 5230 employés hospitaliers, cet auteur relève 68% de personnes favorables à une restriction du tabagisme à des pièces dédiées à cet usage. Castello (Castello et al. 1999) trouve que la création d'un tel local est la suggestion qui recueille le plus d'approbations.

La disponibilité des informations sur le tabac connaît la même confidentialité. La consultation de tabacologie du Centre Hospitalier d'Albi est un peu moins ignorée.

Les nombre moyen de cigarettes consommées à l'âge de 19 ans (entre 15 et 16 cigarettes par jour) semble supérieur aux moyennes nationales. Voir ci-dessous le graphique emprunté au baromètre santé en 2000 (Taytard A.).

Graphique 8. Tabagisme en France. Cigarettes consommées par jour chez les fumeurs réguliers selon l'âge et le sexe.

 

Les cigarettes de marque Gauloises sont de loin les plus consommées. La raison pourrait en être la suivante : en 1870, Napoléon III crée la Régie des Tabacs qui deviendra la SEITA. En 1877, cette société crée les Hongroises qui prendront le nom de Gauloises. L'impact de cette marque s'est maintenu dans le temps.

Dans les réponses à nos questions, les justifications alléguées pour fumer sont dominées par le plaisir, ainsi que par la lutte contre le stress. Par contre, la crainte de la prise pondérale semble faible, ainsi que la recherche de l'éveil et de la concentration. Pourtant, sur ces paramètres, la nicotine joue un rôle connu. Ces résultats sont à rapprocher du cycle du sommeil (Mullens et al.). Comme le montre le graphique ci-dessous, la somnolence est maximale entre 3 heures et 5 heures du matin. Cette donnée pourrait expliquer l'augmentation de la consommation dans cette tranche horaire.

Graphique 9

Les situations de stress semblent être les plus inductrices de la consommation tabagagique.

Chez les femmes, la consommation ne diffère pas clairement selon la période : repos ou bien travail. En effet, trois tiers sensiblement égaux peuvent être distingués : un tiers fume moins au repos, un autre autant. Enfin, le dernier tiers fume davantage. Quel que soit le sexe, le stress inducteur de tabagisme ne semble pas seulement l'apanage de la vie professionnelle. Pour le sevrage, les substituts nicotiniques ont eu la préférence des ex-fumeurs par rapport aux autres méthodes. Les fumeurs actuels ont, presque toujours, essayé au moins une fois de se passer du tabac. Lorsqu'ils ont tenté un arrêt, ils ont fait davantage confiance à leur seule volonté. La plupart d'entre eux gardent encore espoir. Ils se situent ainsi dans la préparation à l'action telle qu'elle a été décrite par Prochaska (Prochaska et coll. 1983).

Les troubles ressentis à l'arrêt du tabac sont presque constants. Parmi eux, ceux qui ont trait à la psychopathologie apparaissent comme les plus préoccupants : pulsion, agitation et irritation. La prise de poids, de l'ordre de six kilogrammes, ne semble pas motiver une aide diététique constante puisque seulement une personne sur trois a eu recours à cette prestation. Pourtant, la demande d'aide thérapeutique et de soutien est intense : une réunion mensuelle est plébiscitée d'abord pour l'aide au sevrage, ainsi que pour la rencontre, l'information ou l'émulation.

Propositions

Les résultats de cette enquête seront diffusés en priorité aux personnes interrogées afin qu'elles soient mieux armées pour un éventuel sevrage.

En se fondant sur les résultats obtenus, les axes d'une action peuvent être dessinés : la diffusion de la loi Evin semble s'imposer. Par contre, la création d'un local pour fumeurs devra être débattue du fait de sa faible popularité.

La présence d'une infirmière affectée à la tabacologie est largement méconnue. Pourtant, cet accueil humain est certainement plus encourageant que tout autre forme de diffusion de l'information.

L'ignorance majoritaire de la consultation de tabacologie, bien que décevante, laisse envisager une action d'information dans ce domaine. L'importance prise par le stress doit nous engager dans une recherche dans ce domaine afin de déboucher sur des conseils : modification du style de vie, relaxation, actions éducatives, organisation du travail.

Une réunion mensuelle pourrait être un lieu convivial de rencontre entre fumeurs et ex-fumeurs.

Il conviendra de rappeler aux fumeurs qu'ils peuvent gêner leurs collègues. Ces derniers n'osent pas toujours le dire. Ils pourraient y être encouragés, au même titre que les fumeurs devraient être incités à s'éloigner, même s'ils n'y ont pas été invités.

Les pièces où se tiennent préférentiellement les soignants ne devraient-elles pas communiquer de plain pied avec l'extérieur pour faciliter l'éloignement du fumeur, au moins lorsque le climat s'y prête ?

Ainsi, une contradiction nous accompagne tout au long de ces propositions : comment isoler le tabagisme alors qu'il est déjà interdit ?

Comment créer ou aménager nos structures en tenant compte d'une réalité incontournable, celle de la persistance de l'usage de la cigarette dans un lieu qui devrait pourtant être exemplaire : l'hôpital public. L'architecture des futurs locaux devrait en tenir compte, même si l'espoir de l'éradication complète du tabagisme nous anime.

Conclusion

A long terme, j'espère avoir contribué modestement à :

-établir un "baromètre santé",

-mettre en place certaines actions pour aider les fumeurs à l'arrêt du tabac, quelles que soient leur dépendance (pharmacologique, comportementale, psychologique),

-réduire le pourcentage des fumeurs.

 


Bibliographie

Castello D, Cerrato J, Odasso L, Tesini I. [A survey regarding the problem of cigarette smoke pollution in a hospital environment]. Minerva Pediatr 1999 Apr;51(4):93-9

Landeck BF 2nd, Wallace DD, Neuberger JS. Smoking survey at a midwestern U.S. medical center. Prev Med 2000 Sep;31(3):271-8.

Mullens et al. "Vous travaillez à horaires irréguliers... voici des conseils pour vous aider". Graphique extrait du document publié sous l'égide du laboratoire Aventis par les Docteurs Eric Mullens et Marc Delanoë dans la collection du Bon Dormeur.

Olsen AD, Fugleholm AM, Rasmussen S, Backer V, Jorgensen SJ, Tonnesen H, Iversen L. [Active and passive smoking among personnel at the Bispebjerg Hospital 1992-1999]. Ugeskr Laeger 2000 Oct 16;162(42):5623-7

Prochaska JO, DiClemente CC. Stages and processes of self-change of smoking : toward an integrative model of change. J Consult Clin Psychol 1983 Jun;51(3):390-5

Taytard A. Cours aux médecins, accessible après inscription à l'adresse suivante : http://www.respir.com/Membres/Base/Tabac.asp. Source : Baromètre santé premiers résultats 2000 (CFES).

Varsano S, Hevion G, Garenkin M. [Smoking by an Israeli general hospital staff, and attitude to smoking in hospitals. Are we in Israel ready to institute "smoke-free hospitals"]? Harefuah 2000 Feb 15;138(4):335-40, 342

Witta A, Gutzwiller F, Largiader F, Frick T . [Passive smoking in the workplace: a survey in the Zurich University Hospital]. Schweiz Med Wochenschr 1997 Jan 25;127(4):95-101.

Zanetti F, Gambi A, Bergamaschi A, Gentilini F, De Luca G, Monti C, Stampi S. Smoking habits, exposure to passive smoking and attitudes to a non-smoking policy among hospital staff. Public Health 1998 Jan;112(1):57-62


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